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mardi 14 février 2012

Cahiers de Peauésie de l'Adour

Depuis avril 1990, Colette Deblé dessine à partir de diverses représentations de la femme dans l'histoire de l'art afin de composer un essai plastique visuel de plus de 2000 dessins. 

"A-t-on jamais tenté d'explorer par des seuls moyens plastiques l'histoire de l'art ou l'un de ses aspects, comme le font l'historien et l'essayiste à l'aide de l'écriture. Mon projet est de tenter, à travers une infinité de dessins, de reprendre les diverses représentations de la femme depuis la préhistoire jusqu'à nos jours afin de réaliser une analyse visuelle des diverses postures, situations, mises en scène."

"Imaginez une grande feuille de 120x80 cm d’un papier à demi transparent, qui crisse un peu, papier "boucher" ou papier de riz chinois. Vous la pliez en huit pour obtenir des cahiers de 30x40 cm environ. Huit dessins différents se reflètent l’un sur l’autre dans l’épaisseur profonde. Première page, le titre, dernière, le colophon. Les six autres reçoivent selon le désir du poète, de l’écrivain, du philosophe, six mots, six poèmes, six proses, qui font jouer à côté du dessin l’élan d’une autre main et sa pensée visuelle."
Depuis la première série, de nombreux auteurs ont participé à enrichir cette collection, parmi lesquels Jean Baudrillard, Michel Butor, Jacques Dupin, Bernard Noël, Christian Prigent, Jean-pierre Verheggen... 
 


 
la main dénude l’oubli

histoire de chacune

valérie schlée
pour quatre cahiers de Peauésie de l’Adour
de Colette Deblé
janvier 2012


dans le corps de la langue
au centre ce qui se tient
l’éclatement des fibres
la source dressée soudain
ce que l’on boit de l’histoire
de chacune

descend et se pose
en volume évasé
plus lisible, à propos
la rencontre toujours
recommencée

si on avance
se hisse une femme
le souffle encore
ne s’entend pas
les vibrations pourtant
quand le corps respire
et se tait


écoutant, vigilant
le ruban de corps vierge
à chaque fois
c’est palpable
comme l’odeur
d’une femme disparue

ploie, dispute la veine
ce qui s’écoule
presque à toucher le rouge
clair du sourire
quand un éclat surgit
ponctue, tient le chant

la belle renoue ses promesses
de début de monde
cendres du parcours
lignes tremblées
entamer la valse
d’une respiration
commune

au balcon des yeux
se déroule la langue
en danseuse les pieds
sur la pointe tendent un fil
à la verticale, traversée
ligne après ligne
franchissent la douceur
dans les corps réconciliés

on s’y engage
la mouillure du tracé
les éclaboussures
de l’ombre où se reposer
le renversement du lieu
où siège la mémoire
de la peau, là où
tout se tient


corps après corps
lettre après lettre
le vent dessus dessous
un œil médian fixe
l’apparition
une main caresse
suspendue, en gouttelettes
impose la pensée juste
pluie sidérale
la femme debout

toute l’histoire dépareillée
se trame, dévide un récit
la relation se tisse
se vêt de ce que
les esprits déploient
une parole nourrie
d’une vendange ancienne


ce qui se tient dans la main d’une femme
les broussailles dans le galop de l’âme
à bout portant, ourle la peauésie
débraille la mémoire
passe la main, dénude l’oubli
saisit la poignée de la survivance
et s’embarque vers ce qui continue le lien

la lumière passe sur la peau tendue
toute la suie du temps dans les robes
dans le corset de l’histoire
la femme se penche et parle
des mots imprononçables
glissent des mains

à l’envers de l’alphabet
au buvard de la fatigue
triomphe l’élan
le corps avance sans détour
la langue haletante
se courbe en sauvagerie
la peau en partage

s’enchevêtre un dialogue
un pli dans la paume
restituant un sens perdu
l’embellie donne sa part au vivant
la chaleur d’une robe dans l’appui
deux bras avancent
vers la certitude d’exister

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